mardi 21 février 2017

L'interview de Gustavo : Pierre Carles !

Entretien avec Pierre Carles, deuxième épisode. Au programme : la campagne présidentielle, l'abstention, les médias, et son nouveau film « Un berger à l’Elysée ? » coréalisé avec Philippe Lespinasse.

Gustavo Mazzatella : Que pensez-vous des nouvelles règles concernant le temps de parole émanant du CSA pour la campagne présidentielle ? Maintenant, outre le temps de parole des candidats, celui des éditorialistes sera également pris en compte, mais aussi le « poids » du candidat, dont on se demande comment il sera calculé.. 

Pierre Carles : Ça ne change pas grand chose au problème principal : l’inégalité de traitement des programmes ou des propositions politiques. Peu importe les personnes. Ce ne sont pas les hommes et femmes politiques ni la personnalité ou le caractère de ces derniers qui nous intéressent dans cette affaire. Quand bien même ces femmes et hommes politiques feraient l’objet d’un traitement égalitaire dans les grands médias, cela ne changerait rien au problème : toutes les sensibilités politiques ne sont pas audibles. Certaines idées, non-portées par un candidat traditionnel à l’élection présidentielle, sont absentes : la parole de ceux qui militent pour une décroissance pure et dure, par exemple. Ou la parole de ceux qui refusent d’aller voter tant qu’il ne sera pas possible de révoquer les élus en cours de mandat s’ils ne respectent pas leurs engagement de campagne. Et quand bien même, il serait donné la possibilité à toutes les courants politiques d’exposer leur programme, certains sont avantagés par rapport à d’autres. Ceux qui se battent pour fermer les prisons et mettre en place des peines de substitution à l’incarcération devraient bénéficier de bien plus de temps d’expression que ceux qui réclament
plus de punitions ou une extension de la prison, surtout dans le contexte néo-sécuritaire actuel. Ils partent avec un énorme handicap. Il faudrait les favoriser pour qu’ils aient une petite chance d’être entendu.

GM : Il n’y a par contre aucun temps de parole prévu pour l’abstention, ou même pour le vote blanc... Qu’en pensez-vous ? Et plus généralement, comment percevez-vous l’abstention ?

PC : Un fort taux d’abstention fait plutôt l’affaire des dominants. Ce sont en effet les classes populaires, soit les dominés, qui s’abstiennent le plus aux élections. Peut-être faudrait-il rendre le vote obligatoire afin de redonner un peu de pouvoir électoral aux classes populaires.

« On dirait qu’il ne fait pas bon être le candidat favori des médias en ce moment. »


GM : Mais ne pensez-vous pas que les abstentionnistes (qu’ils soient pauvres, dominés, jeunes...) ont d’excellentes raisons de ne pas voter ? Pour ne pas « faire l’affaire des dominants », vous pensez qu’il faut choisir le moins pire de tous ?

PC : Je ne suis pas sûr que les gens des classes populaires non-votants se posent ce genre de question. S’abstenir de voter, c’est un acte réfléchi, une démarche volontaire. Ce n’est pas donné à tout le monde, me semble t-il. Vient-il à l’idée de beaucoup de pauvres de se rendre aux urnes, je pense notamment à à la  majorité des SDF, du moins ceux de nationalité française ? Dans certaines situations de misère, se positionner par rapport à la démocratie est quasiment un luxe. D’ailleurs, il y a peu de probabilités que ces dominés défendent le système démocratique s’il venait à être menacé. Pour eux, la devise de la République française « Liberté, égalité, fraternité » ce ne sont que des mots. C’est une fiction ou un film dans laquelle ils jouent le rôle de figurant et non pas d’acteur.

GM : Depuis notre premier entretien, il y a eu quelques « surprises » dans des élections un peu partout en Occident, notamment le Brexit, et bien sur Trump... Est-ce que vous constatez une évolution de l’influence des médias sur les populations ? Notamment par rapport à votre film « DSK, Hollande, etc. » sorti en 2012.

PC : On dirait qu’il ne fait pas bon être le candidat favori des médias en ce moment. A la place d’Emmanuel Macron, je ne serais pas très rassuré... Mais attention : même si les grands médias ne peuvent pas faire élire une personne en particulier avec certitude, du moins peuvent-ils faire passer pour sans intérêt ou peu sérieuses certaines candidatures, celles qui véhiculent des programmes qui ne les arrangent pas. N’est-ce pas ce qui est arrivé à Bernie Sanders aux USA ? La plupart des grands médias l’ont dénigré. Ils ont encore le pouvoir de «  fermer l’espace des possibles », de faire en sorte que certains choix politiques passent pour inimaginables. A qui viendrait-il à l’esprit que l’on pourrait nationaliser les banques en France aujourd’hui ? Pas grand monde. C’est pourtant ce qui est arrivé au moment de l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981. Les médias se gardent bien de le rappeler. Et petit à petit, c’est devenu impensable.

GM : Quel regard portez-vous sur le phénomène des primaires ? Est-ce une façon biaisée pour les politiciens et médias d’anticiper 6 mois avant sur la présidentielle ? Ou alors est-ce un « regain démocratique » ?

PC : Je n’ai pas d’avis sur cette question.

GM : Je crois savoir que c’est Jean Lassalle qui vous a contacté ; pourquoi avoir accepté de faire un film sur lui et sa candidature ? Auriez-vous accepté de faire un film sur un autre candidat ?

PC : J’essaie de ne réaliser que des films sur des personnes ou des thématiques qu’il me semble intéressant de faire partager au public. Dans « Un berger à l’Elysée ? », nous avions envie avec Philippe Lespinasse de voir ce qu’un homme politique d’origine modeste, sans réseau médiatique, sans entregent ni trop argent allait faire dans la course à la Présidentielle, une élection officiellement ouverte à tous les citoyens français.

GM : En voyant Jean Lassalle invité récemment chez Ruquier, je me suis dit que, et peut être le saviez-vous avant de commencer ce film sur lui, vous êtes « tombé » sur un sacré acteur et un personnage totalement cinématographique. Avez-vous abordé ce film de la même manière que par exemple celui sur le professeur Choron ?

PC : Lassalle peut se comporter parfois de manière un peu choronienne, c’est vrai. Il ne se censure pas toujours. Et sa présence à l’Assemblée nationale reste pour nous une énigme.

GM : Êtes-vous surpris par la réaction de certaines personnes (notamment de vos « fans » sur les réseaux sociaux) concernant ce film (qu’ils n’ont pas vu) ? Pensez-vous que c’est caractéristique de ces nouveaux médias de réagir sans voir ni savoir ?

PC : Si les « fans » en question adorent ou détestent mes films sans savoir ce qu’il y’a dedans, je préfère ne pas les avoir comme fans. Certains spectateurs n’ont toujours pas compris que l’indépendance, pour un réalisateur, c’était aussi parfois ne pas faire ce qu’ils attendent de nous. Je crois qu’ils ont été servis sur ce coup-là..

GM : Jean Lassalle sera le nouveau président de la République en mai prochain ?

PC : Après l’échec des candidatures Sarkozy, Juppé, Hollande ou Valls, si tous ceux qui ont la faveur des médias se cassent la figure, ne resteront plus que... Artaud, Cheminade, Dupont-Aignan, Poutou et Lassalle face à Marine Le Pen (rires).

Site internet de Pierre Carles
Faire un don pour le film « Un berger à l’Elysée ? »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire