vendredi 17 juillet 2015

L'interview de Gustavo : Moyen !

Moyen est un artiste absolument particulier. Auteur, chanteur, compositeur, plasticien à ses heures gagnées... Sa répugnance des refrains, le ton de ses textes, les titres géniaux et Duchampiens de ses morceaux, entre autres, me le rendent terriblement intriguant et fascinant. J’ai essayé de produire des questions à la hauteur de certaines de ses phrases genre « L’Art doit tuer la culture », à laquelle cet être mystique et multiples a répondu de 4 manières différentes. Selon l’humeur ? Selon le temps ? Selon le jour ? Pourquoi chercher à expliquer la quadripolarité d’une personnalité si rare ? Le résultat donne une interview à choix multiples et originaux pour vous, lecteurs ingrats... Quand tous les abrutis cultureux baragouinent les mêmes réponses à toutes les questions qui leurs sont posées (souvent semblables, admettons-le), Moyen balance 4 uppercuts à la minute !

GM : Pourquoi avoir pris ce pseudonyme, que je trouve particulièrement bien choisi ; Moyen ?

  • J’ai oublié.
  • Je n’ai pas envie de répondre, j’ai rencontré il y a quelques mois la femme de ma vie et ça s’est transformé en amour impossible donc j’en ai rien à branler, j’attends de crever.
  • Personne avait encore osé.
  • On dirait un palindrome, surtout le logo.

GM : Que pensez-vous des gens qui se contentent de télécharger vos albums et n’en achètent aucun ?

  • Il n’y a pas tant de téléchargements que ça ni même beaucoup de compact-disques vendus. Dans les deux cas je trouve ça très gentil de leur part.
  • Rien à battre.
  • Vu la difficulté de les trouver à moins de me croiser je leur en veux naturellement pas, les pauvres choux. Il n’y en a de toute façon que deux sortis physiquement (‘’Pas Mal’’ et ‘’Pas Mieux’’), les quarante-trois autres sont offerts en téléchargement sur Bandcamp car je n’accorde absolument aucun intérêt à la merde que je ponds.
  • J’arriverai à leur en vendre un de ces jours.

GM : L’humour dans votre oeuvre occupe une place primordiale à mon sens, et c’est assez rare dans la musique. Soit les chanteurs « sérieux » le délaissent totalement, soit ils essaient d’être drôles mais ça se limite à cela. Pourquoi d’après vous ?

  • Je ne suis pas humoriste et je distingue l’humour de la drôlerie. Cette dernière apparaît quelquefois dans ma manière de chanter ou dans mes textes, je n’y peux rien.
  • Je rigole encore quand je suis saoul mais sobre je ne réfléchis qu’aux manières de disparaître de ce monde dégueulasse.
  • Peut-être parce que c’est des connards de merde.
  • Je n’ai pas envie de répondre.


GM : La voix est particulièrement importante et travaillée dans vos morceaux, tel un instrument, au niveau des intonations, de la diction, etc. Vous improvisez sur l’enregistrement ou c’est « écrit » avant ?

  • J’ai tendance à écrire bien plus qu’avant, ceci pour transcender ma bêtise naturelle.
  • Je sais plus, on s’en fout.
  • Les deux, selon l’humeur, l’éthylisme ou l’urgence auto-imposée.
  • Je ne maîtrise aucun instrument de musique donc je fais un peu de tout niveau voix et écriture et j’avoue que ça tourne en rond, de toute façon une fois qu’un album paraît je ne veux plus en entendre parler.

GM : Je n’ai pas trop de mal à deviner vos influences littéraires, ou plutôt des personnes dont la pensée vous inspire. D’un point de vue musical, c’est beaucoup plus complexe. Qu’est-ce que vous écoutez ?

  • Peste Noire, She Past Away et Prayers. Que du pur.
  • ‘’Scar Sighted’’ le dernier Leviathan.
  • David E. Williams.
  • J’attends que mes agapornis de fischer arrêtent leur raffut afin d’écouter le silence.

GM : J’aimerais avoir votre avis sur un rappeur en apparence aux antipodes de votre musique, pourtant je trouve des similitudes entre vous : Booba.

  • Qu’il soit ostracisé par ses rivaux mongoloïdes me le rend sympathique mais je n’écoute pas ce style musical.
  • Non.
  • Je ne connais pas trop. Despo Rutti est un des seuls valables dans ce style musical qui me fatigue vite.
  • Il a bien plus de points en commun avec Louis-Ferdinand Céline : la prison, Meudon, les chansonnettes…

GM : Quand on écoute vos paroles, on se dit que tout va vraiment mal, il n’y a pas grand chose à sauver, surtout pas cette « Enculée d’humanité »... Le tableau est si noir que ça ?

  • Non, il y a les aubergines grillées et la sauce moutarde.
  • Non, il y a le suicide.
  • Non, il y a le Christ et le vin.
  • Oui.


GM : En même temps, cela est une formidable source d’inspiration pour vous ? Les « sous-minets arrogants ironiques pseudo-rebelles » par exemple...

  • Oui. C’est une engeance qui pullule dans ma ville à l’instar des racailles, des hipsters, des bourgeois bohème ou des technocrates. Je déteste Bruxelles mais je n’habiterai jamais ailleurs.
  • Rien à fiche de ces PD, ce sujet ne représente que 0,1% de mes textes. Je puise dans la noirceur et dans la possibilité de ne plus être.
  • Je puise dans la crasse comme dans la beauté.
  • Je ne suis qu’un faiseur, je crache même sur moi-même car comme tout le monde je suis détestable.

GM : Quand j’écoute vos morceaux, je me dis que vous êtes l’opposé d’un chanteur dans l’air du temps, et que vous n’aurez jamais la moindre reconnaissance populaire. Cela vous fait plaisir ?

  • Oui.
  • Ça n’a aucune importance.
  • Oui, je suis bien là où je suis, dans mon überground adoré.
  • J’arrive à l’être, dans l’air du temps… mais je sabote ça ensuite et là jaillit un certain bonheur artistique.

GM : Vous êtes assez acerbe sur les réseaux sociaux et surtout la manière dont ils sont utilisés. D’après vous, est-ce qu’ils ont amplifié la médiocrité des gens ou n’ont-ils fait que la mettre plus en lumière ?

  • J’essaie de rehausser le niveau. J’invite les lecteurs à rejoindre le profil du Secrétariat de Moyen et découvrir un travail considérable de collage que j’ai nommé « Atelier Paint / internet dans les locaux du secrétariat ».
  • Le monde entier a pété un câble et c’est moi qu’on traite de fou.
  • J’ai pu correspondre ainsi que rencontrer quelques hommes et femmes flamboyant(e)s grâce à l’interweb. A part ça c’est une belle flaque de fange.
  • Internet n’a fait que rendre ça plus immédiat. Les gens restent les gens et j’en fait partie. J’ai une haute capacité à décevoir ceux autour de moi, c’est ma malédiction. Pour mes chansons c’est pareil, y en a de très belles qui font pleurer, de très con qui font rire, de tragiques qui mettent mal à l’aise, d’autres où on m’entend juste chier ou dégueuler, ou encore des de plus de 10 minutes impossibles à écouter jusqu’au bout. Heureusement avec le temps… J’aimerais rester à l’écart de mes contemporains, de la nuit, des scènes musicales, des réseaux, mais je n’y arrive pas à cause de cette connerie de Moyen. J’ai fait de très belles connaissances ces derniers mois mais comme expliqué plus haut : à un moment ou un autre je crée le désarroi et le désenchantement. Faut que ça s’arrête. Il y a de la théâtralité en moi que je supporte difficilement chez quelqu’un d’autre. Encore une raison d’éviter les contacts humains. Je ne compte plus le nombre de fois où je me suis ridiculisé en public, j’arrive à m’en foutre mais le problème c’est que j’ai toujours tous ces cd à vendre, je suis obligé de passer par le marketing underground. TOUT CECI EST TRÈS MÉDIOCRE N’EST-CE PAS.


GM : La religion est omniprésente dans vos chansons, votre imagerie, votre réflexion... Quel regard portez-vous sur cette prétendue crise spirituelle et religieuse dont on parle tant dans les médias ?

  • En tant qu’anarchiste de droite j’aimerais citer Jean Yanne, mais je n’ai pas le bouquin sous la main.
  • Ça ne me concernera bientôt plus.
  • Il faut un renouveau catholique et assassiner les merdias à l’aide de la Croix.
  • J’essaie de rester à distance de l’actualité et des méprisables agitations humaines. Une heure seul dans une église froide, voilà comment je m’informe.

GM : Voilà une question que je n’aurais pu poser à quelqu’un d’autre que vous : qu’est-ce qui vous fait jouir Moyen ?

  • La série télévisée canadienne « Trailer Park Boys ».
  • Concevoir et envisager un repos éternel.
  • Une fille que je pine actuellement.
  • La re-lecture du chef-d’œuvre de Lucien Rebatet, « Les Deux Etendards ».

GM : Pour finir, Moyen en concert, ça donne quoi ?

  • Répéter mes chansons serait un calvaire. Toute future représentation scénique est compromise.
  • Rien.
  • Je n’ai à ce jour joué qu’avec Chiasse Raciale, mon groupe de merdecore, au défunt café DNA dans le centre de Bruxelles. 33 personnes dans le public.
  • J’imagine ça assez nul.

http://moyen.bandcamp.com/

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