vendredi 20 mars 2015

L'interview de Gustavo : Hi-Tekk (La Caution) !

Si La Caution a une place si spéciale et inqualifiable dans le rap, c'est à la fois du à son originalité mais surtout à sa recherche de l'excellence, ce qui n'est pas monnaie courante dans ce courant musical. Rencontre avec Hi-Tekk, la moitié de ce duo indépendant.

GM : La Caution est un groupe artisanal, vous faites tout vous-même : production, écriture, instrus, clips, etc. Est-ce parce que c’est le seul moyen d’être véritablement libre ? Et ne craignez-vous pas un renfermement sur vous-mêmes ?

H-T : Comme vous le soulignez, nous faisons tout par nous-même, la question ne s’est pas vraiment posée, cela nous a semblé naturel, je n’ai jamais aimé avoir de comptes à rendre à qui que ce soit. Je trouve cela ennuyeux.
La culture du compromis n’amène rien de bon.


GM : Vos textes sont très écrits et littéraires. Chargés en métaphores, aphorismes, allitérations, un vocabulaire très riche... C’est un immense travail sur le langage, d’où vous vient cette obsession ?

H-T : Ce qui est drôle c’est qu’à la base, Nikkfurie est plutôt un « matheux » même s’il excellait dans les matières littéraires.
Pour ma part je n’avais pas la fibre littéraire, du moins je le croyais, cela m’ennuyait, surtout les cours de philosophie où certains élèves se prenaient pour des philosophes. Seul Nietzsche et les rhétoriciens avaient retenu mon attention.
Bref, j’avais une meilleure compréhension des sciences et des maths. En même temps je lisais beaucoup mais pas les trucs de l’école (Isaac Asimov, Philip K.Dick, Roger Zelazny, des livres d’astronomie, de biologie etc…).
Au sein de La Caution, nous avons toujours privilégié le travail sur les mots, leurs rythmiques et leurs sonorités, le tout lié à leurs sens.
Le mélange de tout cela crée un univers qui devient palpable, qui se ressent au niveau émotionnel et intellectuel, de par l’intensité que l’on porte aux mots et de l’interprétation que l’on peut en faire, un peu comme un jeu d’acteur.
De la musique qui parle aux sens et à l’esprit.
La recherche de la subtilité du ton et des mots, leurs beautés sonores, les connexions entre les syllabes et le rythme induit par « leurs musiques ».
Le but étant d’extraire une sorte de poésie chaotique et ordonnée à la fois.
Le champ lexical en contexte et hors contexte, le sens donné aux mots le tout mis en esclavage par la forme.
L’esthétisme des mots est une notion primordiale pour comprendre La Caution. L’amour de la métaphore et des sens multiples saupoudré de conneries, de coup de gueule, de toutes les imperfections qui nous caractérisent en tant que matière organique.
Cette obsession nous vient de l’impossibilité d’appréhender ce qui nous entoure de manière simple, d’où la nécessité de savoir manier les mots qui remplacent un peu la palette de couleurs pour un peintre.

GM : L’engagement et la subversion de La Caution me semble largement sous-estimé. Je pense à notamment à une chanson très engagée comme « Peines de Maure ». Estimez-vous que tout artiste digne de ce nom doit posséder cette fonction subversive ? Voyez-vous le rap comme le mouvement actuel le plus engagé ?

H-T : Les militants de terrain s’investissent en sacrifiant leur confort, en prenant des risques voire en risquant leur vie dans certains cas. Se définir comme un groupe engagé serait donc une insulte aux sacrifices consentis par ces personnes sur le terrain.
La subversion est quelque chose que nous trouvons plus intéressante dans le sens où elle peut s’immiscer sur un morceau « débile », marrant ou brut de texte.
Nous n’avons jamais eu la prétention de nous définir comme un groupe engagé. L’engagement chez certains artistes a souvent une fonction plutôt « mercantile ». Faire bonne figure en défendant des causes convenues dans un calcul prenant en compte le retour sur investissement.
Il y a une certaine hypocrisie latente et des limites à leurs engagements. Des limites que nous pouvons comprendre au vu du climat délétère mondial.
Beaucoup ont une compréhension réduite du monde qui les entoure et parlent uniquement en se référant à l’émotionnel pour « condamner » des choses dont ils ne comprennent pas forcément les tenants et les aboutissants. Le monde est de plus en plus cryptique et complexe à appréhender.
Alors oui nous comprenons ce que le terme engagé veut dire dans le sens artistique et qui a vocation à sensibiliser les foules à une cause.

"Nous vivons au sein d’une société basée sur l’envie et le désir pour susciter la consommation."

GM : Comment se fait-il qu’en France le rap, après tant d’années d’existence et de médiatisation, soit encore aujourd’hui autant stigmatisé, mal vu, si mal compris ? Je veux dire par là qu’il a une sale image, que bon nombre de personnes disent facilement « moi j’écoute de tout sauf du rap », et certains intellectuels médiatiques le voient comme une « sous-culture ».

H-T : C’est simple, le rap provient d’une couche sociale pauvre et il est surtout perçu comme un message social et non une musique. Partant de ce principe, le message prime sur la forme donc il n’y a pas de recherche d’esthétisme réelle aux yeux de ceux qui dénigrent cette musique. C’est en quelque sorte un problème de classe, la culture vient de là haut et pas d’en bas, « ce sont eux qui décident » !
Les gens issus de quartiers défavorisés seraient censés être incultes. Il y a aussi l’empathie (l’ethno-empathie ?), les gens s’identifient plus facilement à ce qui leur ressemble, à ce qui leur parle et les concerne.
Il y aussi un grand nombre d’imbéciles parmi les rappeurs et leurs clips agissent comme un répulsif.
Il y a ceux qui pensent qu’être « un vrai » permet de faire de la bonne musique, après reste à définir ce qu’est « un vrai ». Perso je trouve ça ridicule.

GM : Vous avez déclaré dans une interview que dans notre époque, il existe, et c’est presque une majorité de la production musicale actuelle, une « musique de fans » donc réalisée par des fans de musique plutôt que par des musiciens. D’après vous, pourquoi ne fait-on plus, le grand public en tous cas, la différence entre la musique d’un musicien et celle d’un fan de musique ?

H-T : À vrai dire, je n’en ai pas la moindre idée ! Ça me semble évident à l’écoute. Je dirais que le fan a tendance à être dans la citation ou la copie, tandis que le musicien ou auteur sera dans la recherche de l’esthétisme et de la nouveauté. Le fan a un train de retard vu qu’il se nourrit du travail d’un autre, comme une partie du grand public a aussi un train de retard, on peut dire qu’il est normal qu’ils se rencontrent d’une certaine manière. Les précurseurs sont souvent une source d’inspiration pour les autres qui arrivent à vulgariser le délire pour le rendre comestible par la masse. Après il y a aussi des « précurseurs » qui rencontrent le succès public.

GM : Vous écrivez : « C’est une génération d’hommes élevés par des spots de pub » dans la chanson Connasse. De nos jours, la publicité joue un rôle fondamental et terriblement néfaste selon moi, notamment dans le système médiatique (télé, radio, presse) ou la culture. Comment luttez contre ce fléau dont l’issue semble totalement bouchée ?

H-T : La pub est beaucoup trop ancrée dans les esprits, elle est partout, de manière directe et indirecte. Nous vivons au sein d’une société basée sur l’envie et le désir pour susciter la consommation. Le problème c’est que nous nous traitons tous comme des biens de consommation, sur le marché du travail, dans nos relations avec les gens, une page FB ressemble à un packaging censé nous mettre en valeur, vu sous cet angle-là, c’est tragique et ridicule même si c’est marrant. Bref, je dirai que les gens se considèrent comme des produits et soignent la devanture (je ne m’exclus pas de cette constatation, ce serait malhonnête). La question de la disparition de la vie privée se pose et elle se fait au profit de cette vitrine globalisée que sont les réseaux sociaux, bien sûr les gens ne mettent en avant que ce qui semble les valoriser. C’est un peu comme si on fichait nous-même, je crois que Georges Orwell n’aurait pas imaginé pire d’une certaine manière. C’est un formidable outil pour sonder la conscience collective. Après il y a un aspect positif, jamais l’information n’a été autant accessible et surtout tout le monde peut devenir acteur même si au final cela peut être retourné contre les utilisateurs pour influer aussi sur leur jugement par le biais de l’émotionnel et de sa viralité.
Ce qui est emmerdant avec la publicité dans les médias, c’est le publi-rédactionnel qui en découle et qui pose certaines questions d’éthique. Comment parler mal d’un truc qui nous fait vivre ? Voilà la question auquel sont confrontés les pigistes, l’investigation étant de plus en plus rare, le terme journaliste me paraît déplacé. Cette critique vise essentiellement les sites qui parlent de produits culturels ou de biens de consommation.
Lutter contre la publicité revient à lutter contre le système dans sa globalité, contre le capitalisme, le néo-libéralisme etc… Donc à moins de changer complètement d’orientation économique et de modèle de société, je dirais qu’il n’y a rien à faire.


GM : Dans « Glamour sur le globe », hymne assez cruel et désespéré de la banlieue dans laquelle vous avez grandi, on ressent malgré tout chez vous un amour très fort pour cette dernière. D’ailleurs, ce thème revient souvent dans vos chansons. Vous écrivez, enfin Nikkfurie, votre frère, « prôner la rage », que cela signifie-t- il ?

H-T : Ce n’est pas vraiment un amour pour la banlieue en soi mais plutôt pour les gens qui y vivent. Le terme « amour » me paraît d’ailleurs inexact ou du moins je ne l’ai jamais vu comme ça. Je pense plus à un constat cruel sur une situation fragile qui sert d’alibi à la médiocrité politique lors de toutes les campagnes électorales ou pire lors des crises majeures. Jeter une partie de la population à la vindicte populaire pour se décharger des ses devoirs, les politiciens s’en servent comme d’un formidable outil pour détourner le regard ou la colère légitime du peuple à l’encontre de sa situation. La technique du bouc émissaire a décidément de l’avenir. Si l’on s’en plaint, on est taxé de personnes qui se « victimise », de pleurnichards etc… D’où l’expression « prôner la rage », la pleurniche même si elle est légitime est reçue avec mépris donc autant prendre son dû, agir avec intelligence, s’organiser et dénoncer sans tomber dans le pathos. En gros, c’est surtout un message d’encouragement à s’élever, à se doter des outils pour prendre son destin en main…
Après dans nos chansons nous le traitons de manière à ce que se soit cool à écouter, le rap dit « conscient » m’a toujours ennuyé.

GM : Comment lutter contre l’idéologie, très présente en banlieue, visant à rejeter la faute de toutes leurs difficultés sur un supposé axe américano-sioniste, dont on sait que la finalité reviendra à essayer de faire voter FN à ces jeunes en 2017 ?

H-T : Je ne sais pas si les jeunes en banlieue rejettent la faute de tous leurs maux sur cet axe là, ils sont beaucoup plus pragmatiques que cela, ils essaient de s’en sortir, c’est leur combat principal.
Les médias tentent de le faire croire sous l’influence de nombreux politiciens et acteurs communautaires qui semblent favoriser le racisme, l’exclusion et l’islamophobie bien qu’ils s’en défendent avec leur fameuse formule « attention pas d’amalgames », juste après les avoir bien salis.
C’est tellement grossier que beaucoup de gens le voient, on en revient à la politique du bouc émissaire, de la perte de la responsabilité individuelle au profit de la responsabilité collective.
Je pense que les banlieusards se savent constamment montrés du doigt par une élite inquisitrice qui ne représente qu’elle-même, sa caste et la politique qu’elle soutient, une politique à laquelle nous avons le droit de ne pas adhérer, en particulier concernant certains conflits à l’étranger.
Mais de là à en tirer une généralité… Je suis à titre personnel contre toute officine communautaire, y compris musulmane, qui essaierait d’influencer la politique, je pense que nous devrions à nouveau nous considérer comme des citoyens français avant tout. Le résultat si nous nous laissons happé par ce piège, sera la crispation communautaire et la peur si convoitée politiquement pour nous ôter nos droits.
Nous avons toujours été lucides sur l’analyse de notre mise à mort médiatique depuis des dizaines d’années (notamment dans Peines de Maures).
Pour être limpidissime... Certains Français n’aiment pas les Arabes (Français ou non) et n’importe quelle particularité, fusse-t-elle insignifiante ou personnelle, de ces derniers sera utilisée contre eux.
Indigène, racaille, extrémiste, « autre »...
Tous ces « arguments » (sic), notamment mediatico-électoraux, sont utilisés au service d’un racisme en réalité bien plus primaire, limpide et évident.
Par contre, nous ne généraliserons jamais cela car la France regorge principalement de bonnes personnes qui vivent sans « manger les douilles » du racisme pur cherchant quotidiennement la p’tite bête via des éléments chocs insignifiants allant du pain au chocolat jusqu’au porc, symbole de laïcité à la cantine... et du racisme « de condescendance » via une vision « JulesFerrienne » des « français autres » et de leur religion, etc.

GM : L’islam est au coeur du débat en France, en ce moment mais c’est récurrent depuis de nombreuses années. En 2005, vous écriviez déjà : « Quelques écrivains, terroristes intellectuels pensent faire de l’argent en stigmatisant toute une culture sans même la connaître, ignorance recouverte de pseudo connaissances hors contextes ». Comment vivez-vous tous ces débats dans lesquels la parole musulmane n’est quasiment jamais représentée ?

H-T : Le constat est alarmant et la situation s’est aggravée avec la crise, il faut détourner l’attention des vrais problèmes économiques et financiers. Les riches s’enrichissent pendant que la classe moyenne se meurt, ne parlons même pas des pauvres.
Il faut donc pointer du doigt un ennemi voire le créer d’où l’importance de ne pas donner la parole aux musulmans autres que ceux choisis par l’appareil médiatique et politique.
L’exemple de l’imam Hassan Chalgoumi est assez révélateur, il ne représente personne et surtout pas les français musulmans, d’ailleurs il faudrait encore qu’il sache s’exprimer sans donner l’impression d’être le relai d’idées hostiles aux musulmans.
Son omniprésence vise à imprégner dans l’inconscient français que nous sommes encore des « clandos » !
Le message envoyé par ce mec est très pervers, si nous sommes contre, c’est que nous serions extrémistes ou intégristes… Bref on reste dans le binaire, pour ou contre, noir ou blanc, bien ou mal, dans ces conditions le débat ne peut être que puéril et fallacieux à tendance hautement insultante et stigmatisante. Un mec qui ne sait même pas parler le français ne peut représenter les français de confession musulmane, le message envoyé est que nous ne sommes pas intégrés, que nous ne maitrisons pas la langue etc… Un vrai « native informant ».
Que les musulmans le reconnaissent ou pas ne change rien, ce n’est pas là sa vraie fonction.

"on assiste à une restriction des libertés individuelles pour lutter pour la liberté d’expression, un grand concept."

GM : On a recensé en 2015 autant voire plus d’actes islamophobes que tout au long de l’année 2014. Cela vous inquiète-t-il ?

H-T : Ce qui m’inquiète au delà de la recrudescence d’actes islamophobes, c’est leur banalisation, le manque de considération des politiciens et de la justice concernant la gravité de ce problème. Je pense que les musulmans se sentent en danger (tirs à balles réelles et grenades plâtrées sur des mosquées, agressions, insultes etc…), en particulier les femmes qui sont la cible prioritaire.
Les médias selon leur idéologie ont leur part de responsabilités aussi.
Le débat politique n’est pas sain et les politiciens s’en servent pour exister dans l’espace public sans faire trop d’effort (Les pains au chocolat de Copé, NKM et ses enfants en retard à cause de la prière, le porc à la cantine de Sarkozy, les envolées lyriques de Morano et Genest etc…). Nous sommes la variable électorale par excellence et cette dernière a de beaux jours devant elle.
L’utilisation de l’islamophobie sous couvert de laïcité pour masquer leurs incompétences au niveau économique, parler du porc dans les cantines alors que le pays sombre… No comment.
La peur aussi de reconnaître le terme « islamophobie » pour ce qu’il est, c’est à dire le racisme « permissible » et déguisé en défense de la laïcité qui à la base, rappelons-le, garantit la liberté de culte et s’applique aux représentants de l’état pour ce qui concerne d’afficher ses croyances, autrement dit un représentant de l’état ne doit pas faire de prosélytisme direct ou indirect, c’est ce qui permet aux minorités d’être protégées. Les citoyens eux sont libres de croire en ce qu’ils veulent. Tout se joue sur les nuances et l’interprétation qu’en font le FN, le PS ou l’UMP.
Je n’ai jamais vu qui que ce soit vouloir que les autres mangent hallal ou casher, c’est ridicule. Ce débat est pitoyable et en dit long sur la médiocrité politique actuelle, je serai presque tenté de faire un point Godwin tant l’analogie me semble évidente, les caricatures et la satyre, par exemple, quand elles s’attaquent aux faibles, sans influences et sans pouvoir, prennent une toute autre saveur, je pensais naïvement que les caricatures servaient à étancher la soif et la colère du peuple vis-à-vis des puissants.
Au lieu de cela elles servent à stigmatiser un bouc émissaire dans le but de détourner la colère légitime du peuple quant à sa situation précaire, mais l’ennemi désigné n’a rien à voir avec cette situation qui doit se traiter avant tout au niveau économique.

GM : Quelle a été votre réaction suite à la campagne « Not in my name » née en Angleterre suite aux décapitations de Daech et reprise en France par le rappeur Rim-K (113) ? Tous les arabes et musulmans du monde doivent-ils se sentir coupables dès lors qu’un crime est commis au nom d’Allah ?

H-T : Je trouve cela insultant et déplacé, à titre personnel je ne me sens responsable que de ce que je commets, la responsabilité collective est un concept injuste pour nous jeter à la vindicte populaire.
On ne va pas demander aux occidentaux ou aux chrétiens de s’excuser pour Anders Breivik qui a pourtant écrit un manifeste justifiant son acte au nom de l’Occident.
Je suis pour la responsabilité individuelle et ciblée. Un mec tue un autre mec, on juge en premier lieu le responsable, son commanditaire, son groupuscule ou sa secte s’il agit au nom d’une « idéologie ».
C’est ce qui s’appelle la justice.
Après je comprends que certains musulmans ressentent le besoin de se désolidariser mais comme ils n’ont jamais été solidaires, cela induit l’idée subtile et fallacieuse qu’il l’aurait été un jour…
Le seul « Not in my name » qui me viendrait à l’esprit irait pour ce titre « difficile » qui porte le même nom que notre « Thé à la Menthe » et qui symbolise l’inverse de notre vision de la musique ! (Rires)

GM : Qu’avez-vous pensé de cette quasi unanimité du pays pour défendre la liberté d’expression, alors qu’en réalité, nous savons pertinemment que c’est bel et bien une certaine liberté d’expression qui sera préservée ?

H-T : C’était pour certains un moment de recueillement, une recherche de chaleur humaine, le besoin de se sentir uni face à l’adversité… Je peux le comprendre mais l’événement a été récupéré et transformé en chasse à ceux qui ne sont pas Charlie, j’avais presque le sentiment d’assister à la naissance d’une nouvelle religion « le Charlisme : si tu ne penses pas comme moi, c’est que tu es le mal ! ».
J’abuse un peu mais à peine, il suffit de voir la campagne politique qui a suivi (arrestation d’enfants, appel à la délation etc…). Sans compter les personnalités douteuses qui ont défilé, un grand moment d’hypocrisie qui a sali ce moment de concorde.
Il y a aussi toutes les lois liberticides qui ont été votées pour permettre à l’état de se substituer à la justice concernant l’interdiction de sites internet, on assiste à une restriction des libertés individuelles pour lutter pour la liberté d’expression, un grand concept.
Surtout que ces mesures ne seront pas forcément efficaces pour contrer les terroristes qui se servent de logiciels type « Tor » (un navigateur qui permet d’avoir une adresse IP intraçable) ou même le « deep web ».
Il y a une intervention de Jérémie Zimmerman de la Quadrature du net qui en parle mieux que moi.
Ce qui est terrifiant c’est que si cet outil politique de censure tombe aux mains d’un gouvernement totalitaire, nous serons totalement démunis et il aura plein pouvoir pour taire la parole alternative, ce qui est tout de même le contraire des fondements d’une démocratie.

GM : Vous êtes également réalisateur, de nombreux clips à votre actif, et un film qui n’a pas abouti. Des projets de réalisation en cours ?

H-T : J’ai perdu pas mal d’années sur un film qui n’a pas abouti, au point où j’avais tout mis de côté, c’est sûr qu’un film sur les émeutes traités de manière singulière et en dehors de toutes morales, n’est pas ce qu’il y a de plus facile à monter, je ne voulais pas d’un truc binaire.
Tout cela a nourri indirectement le projet sur lequel je bosse actuellement, ce projet est né de cette frustration et d’une rencontre avec quelqu’un de très talentueux qui partage beaucoup de mes points de vue artistiquement. Même si les deux projets n’ont rien à voir au niveau thématique et au niveau de la forme. Il est un peu tôt pour en parler plus spécifiquement.

GM : 2005 : Peines de Maures / Arc-en-ciel pour daltoniens, dernier album (double) en date de La Caution. Le prochain est attendu depuis l’an dernier... Quand est-il à l’heure actuelle ?

H-T : Le prochain album de La Caution se fait attendre, j’ai l’impression qu’on travaille à nouveau sur un premier album alors que ce sera probablement le dernier, c’est très étrange.

http://www.la-caution.com/

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