vendredi 20 mars 2015

En voie d'extermination. Mary Poppins.

Il semble, ces derniers temps, de plus en plus difficile de ne pas se conformer à un modèle de pensée et de vie uniques. Même une mauvaise chanson, du pourtant génial et nécessaire Goldman, cristallise les plus violentes rancunes. Chacun s’indigne que celui d’en face ne pense pas et ne vive pas comme lui, pensant lui être préférable, ils prennent tous des allures de prophète ou d’évangéliste et puis finalement ils ressemblent tous, tous à des fanatiques aveuglés par leur propre prosélytisme.


Alors que les trois plus grandes religions du monde, pardon : les quatre plus grandes religions du monde, l’athéisme étant peut-être la pire, s’étripent à coups de moratoires et de kalachnikovs, chacune se plaignant d’être mangée par les autres tout en essayant de les exterminer parce qu’apparemment le monde ne sera parfait que lorsqu’on se ressemblera tous et qu’on croira tous en la même étoile, il devient très difficile aux petites sociétés de survivre à ces guerres d’uniformisation massive, puisqu’en plus de ça elles sont inaptes à toute forme de business, ce qui n’arrange les affaires de personne. S’il est aisé, aujourd’hui, d’acquérir un château en Sologne, il est encore plus facile d’exterminer une tribu.

Ne parlons pas des Akuntsu dont il ne reste que cinq survivants en Amazonie brésilienne après le pillage de leur territoire, ce serait trop facile. Non, parlons des Masaïs, ces nomades hyper photogéniques dont Arte ne se lasse pas de décortiquer le quotidien. Si on n’a pas lu Le Lion de Kessel, il est de toute façon complètement impossible de les ignorer. Tiens je suis sûre que « Rendez-vous en Terre Inconnue », cette mauvaise émission post-colonialiste, leur a consacré un tournage.  Bien, on pourrait se dire qu’ils sont ainsi protégés de l’aveuglement général et qu’ils se maintiendront à la postérité, fut-ce sous forme de zoo humain.

Pas du tout. Ils auront probablement disparus dans quelques dizaines années. Car un Masaï, à l’heure qu’il est, est à la fois plus fragile qu’une abeille et plus dangereux qu’un révolutionnaire. Ils ont déjà été déplacés par les britanniques au 19ème siècle parce qu’ils refusaient de coopérer avec les colonisateurs. Lesquels petits colons avaient ramené avec eux la peste bovine, cadeau pour ces éleveurs nomades, puis la variole. Après ça la plupart de leurs territoires ont été transformés en réserves naturelles et parcs nationaux sur lesquels ils n’ont aucune emprise. Ignorant absolument les frontières des pays qu’ils traversent, ils résistent aux tentatives de sédentarisation menées par les gouvernements concernés qui se font plus pressantes avec le temps. Alors qu’ils préservaient un équilibre exemplaire avec leur environnement, ils s’affaiblissent, s’appauvrissent et se plient alors aux lois du commerce touristique. Certains d’entre eux s’occidentalisent et partent.

Mais le pire, c’est qu’on vient de leur interdire de chasser le lion. Sous prétexte que l’animal est en voie de disparition et qu’on veut repeupler la savane après l’avoir décimée au cours de safaris sanguinaires, on va voir les Masaïs, et puis on leur dit : tu vas aller en prison si tu tues un lion. Bien, alors déjà, les Masaïs ne sont pas des chasseurs, ils ne mangent presque pas de viande. Contrairement au mythe véhiculé par l’industrie touristique qui raconte que chaque garçon doit tuer un lion pour devenir un adulte, les Masaïs ne tuent qu’occasionnellement les lions, et surtout pour s’en protéger.  Leur interdire de tuer le lion, c’est nier leur statut de guerrier, et remettre en question leur mode de vie puis leur culture, et c’est probablement ce qui finira par les sédentariser, alors que certaines de leurs terres leur ont été retirées pour y mettre en place... des concessions de chasse. Tristesse.

On pourrait se dire qu’il est bien naturel que certaines formes de vie évoluent et s’éteignent, mais à moi ça me donne un peu la nausée que ce soit ceux-là qui partent. Parce qu’en fait ils ne s’éteignent pas : ils sont exterminés.

Mary Poppins.

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