mardi 13 août 2013

MEDIATICOLPORTAGE. Melody Nelson.

« Attention, les images que vous allez voir peuvent heurter la sensibilité de certaines personnes. »

 Il est 20h, vous êtes tranquillement installé sur votre canapé, en train de déguster un gratin de macaronis, probablement entouré de vos gamins. Et voilà qu’on vous balance à la tronche des images d’un homme les mains ensanglantées, brandissant une machette, fièrement posté près du cadavre d’un mec qu’il vient de soigneusement massacrer.

Vous réalisez alors en regardant votre assiette que « finalement non, je vais pas me resservir, ça fera des restes pour demain ! » et puis en vous tournant vers vos gosses,
que vous n’êtes pas près de dormir. Vous userez de « Mais non il t’arrivera rien, il est en prison maintenant le monsieur » pour tenter de rassurer votre enfant de 6 ans (et vous rassurez vous-même).

Pujadas vient de ruiner votre soirée. CQFD. Mais c’est pas son problème à Pujadas, vous pensez sérieusement que c’est en montrant un reportage sur le championnat de craché de bigorneaux à Moguériec (le record est de 10,57m) qu’il va booster l’audimat ?! Non, des bombes qui explosent, des trains qui déraillent, des femmes violées et séquestrées… C’est ce que veulent voir les gens !

Mais la question serait plutôt les gens sont-ils réellement friands de ce genre d’images ou les médias les encouragent-ils à en être demandeurs ? Elle est loin l’époque où le journal télévisé n’appartenait qu’à une seule et unique chaîne. Aujourd’hui tout le monde s’y est mis et c’est à celui qui aura l’info la plus fraîche et les images les plus trash, quitte à mettre en péril la vie de leurs journalistes. On connaît le nom de ces reporters retenus en otage, régulièrement cités à la fin de chaque JT (par contre on connait un peu moins les arrangements mis en œuvre pour les en délivrer…). De lourds moyens sont déployés pour garantir d’être le premier à avoir « l’exclu totale » qui ravira le monde entier. Des équipes sont envoyées faire le pied de grue des jours durant devant une maternité pour l’arrivée d’un enfant qui changera probablement la face de la planète… Bref tout est là pour étancher notre soi disant soif d’actualité.

Les médias ont incontestablement créé chez nous un besoin incompressible de voyeurisme, une curiosité mal placée qu’on essaye de justifier en se disant « je ne crois que ce que je vois ». On peut d’ailleurs remercier Internet qui n’a fait qu’attiser notre envie de tout voir. On doit notamment à la technologie 2.0 la création de nouveaux mots (aidé par le pernicieux marketing, cela va sans dire) dont le terme « buzz », sorte de rumeur très virale – qui au final existe depuis la nuit des temps – qui se propage tellement vite qu’on ne sait plus trop d’où ça vient ni même qui ça intéresse. L’essentiel est de connaître cette info pour ne pas passer pour un naze à la pause café du lundi matin et pouvoir dire à ses potes « T’as vu la vidéo de cet ours qui fait de la plongée sous-marine ?! Terrible !! »

Et pour faire le « buzz », les médias n’ont aucun scrupule à utiliser la crédulité des plus « faibles d’esprit », j’ai nommé : les ex candidats de téléréalité. Véritable chair à canon des médias, pain béni de la presse à scandale, ces derniers ne sont in fine que des produits de grande consommation qui permettent aux grands groupes médiatiques de s’engraisser grâce à la vente de leurs tirages ou l’audience de leurs émissions vaseuses. Des produits très tendance mais avant tout des denrées périssables. Car si les projecteurs des plateaux télé éclairent bien, leur lumière reste artificielle. Difficile lorsqu’on croit voir se réaliser ses rêves de gloire, qu’on se pense maître de sa notoriété, d’accepter de n’avoir été qu’un pantin dans les mains de producteurs véreux – si toutefois on le réalise un jour. Tel est pris qui croyait prendre. Mais qu’on se rassure, ces produits made in téléréalité sont également recyclables : il n’est pas rare de voir réapparaître à la une certains d’entre eux affichant une belle dépression post-celebritum, qui peut parfois être suivie d’une deuxième, une concernant leur suicide (où la lumière sera cette fois mise sur la famille et les proches de feu le pauvre ex-candidat, pour connaître « les raisons qui l’ont conduit à l’inévitable ! »). Mais Morandini peut dormir sur ses deux oreilles, cela ne freine en rien les files d’attente aux castings de la dernière merde à venir.

 « La culture est basée sur l’individu, les médias mènent vers l’uniformité ; la culture éclaire la complexité des choses, les médias les simplifient. » Milan Kundera.

Oui je sais, vous allez me dire passer de la téléréalité à la culture c’est plutôt rude comme transition, et pourtant pas tant que ça. Qu’ils soient de droite ou de gauche, locaux ou nationaux, les journaux nous bombardent tous des mêmes infos, aussi inutiles et futiles soient elles. Et là où nous sommes dupes, c’est que nous pensons enrichir notre savoir grâce à ces « retransmissions ». A l’inverse d’un enrichissement personnel, les médias ne font qu’alimenter une culture de masse, qu’on peut aisément opposer à la culture au sens auquel elle doit être considérée. Vous pensez tout savoir car êtes sans cesse à l’affût de la dernière dépêche ? Ne croyez-vous pas que le temps passé à suivre ces actualités est effectivement du temps en moins consacré au développement de votre propre culture ?

Moi, on m’a toujours dit qu’il ne fallait jamais perdre de vue l’étymologie des mots, et quand j’ouvre mon Larousse illustré (Wikipédia), je lis : en latin, media est le pluriel de medium (milieu, intermédiaire). Intermédiaire.  Et je crois sans trop m’avancer que le meilleur moyen de se rendre véritablement compte des choses qui nous entourent, c’est justement d’éliminer toute sorte d’intermédiaire. Ne faites pas des médias les maîtres à penser qu’ils sont en train de devenir.

Melody Nelson.

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