vendredi 15 février 2013

L'invité du Nouveau Monstre : Little Miss Madmind.

Nouvelle rubrique : de temps à autre, le nouveau monstre accueillera un ou une invité rencontré par Albert Fumier, qui viendra nous raconter ce qu’il ou elle a à dire !

Après s’être spécialisée dans les contes pour grands enfants en Région berrichonne, Little Miss se tourne aujourd’hui vers le médium internet, par soucis de «liberté de pester», dit elle... Un sacré personnage à la plume acérée, qui n’hésite pas à dépeindre le quotidien des jeunes femmes de maintenant, blasées par l’hypocrisie de façade, nourries à la baise et au Xanax. Sombre, subtil et rythmé, je vous laisse dévorer... Albert Fumier.

«Quand le calme devient une faiblesse...»
Ce matin, je me suis levée avec une putain d’envie de crier.
Pas l’insipide cri de la complainte de la pauvre petite trentenaire qui se sent noyée dans ces tracas féminins à la con, non le gros shout qui vient des tripes...
Hurlement sur mon tube d’anti-cernes qui a fuit pendant la nuit et qui ne m’aidera pas à masquer ce matin le fait que j’ai 30 piges et 1 grosse valoche d’emmerdes sous chaque oeil.
Hurlement sur le connard qui se gare tous les jours à 3 cm de la portière de ma caisse pour que mes 50 kg s’écrasent contre la tôle froide et mouillée du véhicule en filant les derniers bas que je me suis achetés.
Hurlement sur les parents d’élèves de la classe de mon fils qui me lorgnent comme une pestiférée car non, on est pas de la même classe sociale.
Hurlement sur le vieux avec sa canne qui va me donner l’impression de mettre 18 min 30 à traverser le passage pour piétons alors que je suis à la bourre.
Hurlement sur le cas soc’ qui va passer dans mon bureau se larmoyer sur son sort et n’attendra que de moi un coup de baguette magique pour le sortir de là alors qu’il n’en a aucune envie et continuera à se laisser bercer par le doux flot de l’assistanat.
Hurlement sur mes collègues quinquagénaires qui déballent dès le lundi matin leurs problèmes de couples, les maladies du quartier et la rubrique nécro du quotidien local.
Hurlement sur mon bulletin de salaire qui regorge d’une injustice infâme sur le rapport de proportionnalité quantité/ qualité.
Hurlement sur ma hiérarchie qui me dévisage chaque matin et va cancaner sur ma façon de m’habiller, de côtoyer mes collègues et de conduire mes entretiens avec trop de décontraction.
Hurlement sur le père de mon fils qui passe le plus clair de son temps à me faire passer pour la fée Carabosse et mousser son égo démesuré en se prenant pour Mickey aux yeux de notre gamin de cinq ans.
Hurlement sur ceux qui se sont dit amis et qui ne daignent pas décrocher le téléphone pendant des mois car leur vie de famille et de couple est bien trop haletante pour s’attarder à voir une amie marginale qui n’a pas leur statut.
Hurlement sur ceux qui resteront mes amis malgré tout mais qui s’évertuent à croire que la baise est une mission et l’amour une démission, me confiant à tour de bras leur manque de couilles à prendre le risque.
Hurlement sur mon célibat qui s’éternise et dans lequel je m’enfonce parce qu’il n’y a pas d’autre alternative.
Hurlement sur ma vie qui s’ennuie et qui tourne en boucle comme un vieux vinyle rayé.
Et puis non, je suis quelqu’un de bien, tout le monde le sait, du moins tout le monde le croit.
Et puis non, je suis une femme, une femme ça ne braille pas, ça pleure, sinon c’est vulgaire.
Et puis non, si on fait trop de bruit, on pourrait croire qu’on est atteint d’une pathologie mentale, une qu’on vient de découvrir en 2013, qui porterait un nom qui ressemble à celui d’un aviateur russe.
Alors le rugissement va s’étouffer au fond de ma gorge, je vais enfiler mon manteau avec mon rictus factice.
Fumer la première clope de la journée pour que seule cette salope de nicotine sorte de ma gorge.

Little Miss Madmind

1 commentaire:

  1. Beaucoup de vérité et de vécu dans la bouche de cette miss qui semble cracher son texte à la figure du lecteur! Il reste comme un goût amer de frustration en fond de gorge!

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