vendredi 15 février 2013

Billet d'humour. Gustavo Mazzatella

« On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui » disait Desproges, considéré aujourd’hui par tous comme un anticonformiste. Malheureusement, il fut à la fin de sa carrière, comme Coluche ou encore Guy Bedos, le fer de lance de ses humoristes faussement engagés, dont la seule subversion a été d’être un antilepeniste primaire au service de l’antiracisme et de la morale, du pain béni pour la gauche comme la droite. Eux qui avaient si bien commencés, ils sont tombés la tête la première dans le piège même pas tendu par les politiques. Aujourd’hui, le combat de leurs successeurs considérés comme humoristes politiquement incorrect, de Guillon à Porte en passant par Roumanoff (le troisième frère Bogdanoff !), s’est transformé par de
l’antisarkozysme puis de l’antihollandisme tout aussi primaire et insignifiant. Cela reste très bien-pensant et divertissant (ou abrutissant au choix), dans la même veine que l’humour actuel : la bande à Jamel et leur humour désespérant, j’en ai rien à branler de la tristesse de leur vie ; la bande à Ruquier et ses jeux de mots grotesques aussi efficace qu’une blague Carambar ; Florence Foresti, Gad Elmaleh et consorts qui a 40 ans ont un humour de collégien ; etc. La liste est longue.

Les employés de l’humour sont de plus en plus nombreux, puisque l’on peut faire d’un simple trait de caractère un grand métier artistique et surtout qui rapporte, tous les crétins qui faisaient rire leurs camarades de classe s’y mettent ! Il y a trop d’humoristes. Ou plutôt, il y a trop de comiques sans réel talent. Leur vision globale est pour moi un vague brouhaha, des larbins au service de l’humour, forcément pas drôle. Je ne pense pas qu’un artiste puisse avoir comme seul but d’être marrant. C’était le rôle du bouffon du roi, or comme le roi n’existe plus, on doit se farcir de multiples bouffons du peuple ! Le plus déplorable, c’est que les gens sont assez cons pour remplir les salles, et comme ils y vont pour se distraire et se marrer, alors ils rient tous en choeur bêtement, voire militairement. N’allez surtout pas faire la gueule, vous êtes venus voir un humoriste qui sera forcément drôle, alors fendez-vous la poire bordel ! Même un troupeau de moutons aurait plus de jugement... De plus, les humoristes sont largement dépassés avec l’instantanéité d’internet, un tweet d’un « inconnu » ou une pancarte dans une manifestation s’avèrent souvent plus drôle que la meilleure de leur vanne.

« Il faut renoncer à l’humour » explique Pacôme Thiellement dans son livre Tous les chevaliers sauvages, Tombeau de l’humour et de la guerre. Evidemment ! Il était totalement justifié d’attaquer l’homme d’après-guerre et ses valeurs abjectes dans les années 60-70, et toute la bande d’Hara Kiri le faisait avec talent, tel les grands artistes qu’ils étaient ! Mais de nos jours, qui sont les cibles ? Les hommes politiques ? Il suffit de voir Le petit journal sur canal +, avec son tout aussi petit présentateur, si négligemment bien coiffé et rasé, cette émission censée faire trembler les politiques sur laquelle tout le monde se branle littéralement. Mais quand les politiques sont sur ce plateau, on voit bien que ça les fait rire et qu’il n’y voit aucun danger. Et la différence est fondamentale, de nos jours, les humoristes et les politiques ont le même humour. Plutôt effrayant n’est-ce pas ?

On vit dans une époque ou l’on peut rire de tout, mais plus rien n’est drôle, voilà un paradoxe intéressant. En effet, il est très fréquent d’entendre des blagues violentes sur les hommes politiques, les noirs, les arabes, les chinois, les religions, les vieux et même les enfants. Mais ce n’est pas drôle car cet humour ne provoque plus rien. Il ne reste qu’Israel avec lequel on peut pas trop plaisanter (demandez à Dieudonné ou Siné). D’ailleurs, les humoristes contemporains ne s’y risquent surtout pas ! Donc aujourd’hui, un vrai humoriste se doit de ne pas être drôle, c’est sa seule issue. Comme le sketch de Dieudonné qui lui a valu sa mise à mort médiatique, un sketch dans lequel il attaque justement et au premier degré les sionistes. « L’utilité de l’artiste est de donner de la force au public et pas de le divertir » dixit Audrey Vernon, auteur notamment de Comment épouser un milliardaire, le premier one man show économique que j’espère voir bientôt. Les humoristes doivent être des artistes et donc dénoncer ce qu’il se passe actuellement, parler de ce qui dérange et sans dérision !


Gustavo Mazzatella.

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