jeudi 13 décembre 2012

WE ARE ALL PROSTITUTES. Lulubrik

CHAPITRE 1 - Episode 1

Comme une expérience qui marque

J’ai très peu de souvenirs de mon enfance. Je ne me rappelle ni de mon école primaire ni de mes camarades. Je n’ai aucun souvenir de notre première maison ou de mes jeux d’enfant. Vous allez trouver cela étrange, mais ma madeleine de Proust à moi, ce sont mes bretelles. Plus petite, j’adorais porter des bretelles avec des pantalons, des jupes, des shorts…

Les bretelles furent ma lubie pendant bien longtemps. Je devais en posséder une dizaine, de toutes sortes, de tous motifs. C’était un accessoire assez ludique, mais pas seulement. La boucle possédait des petites dents pointues qui permettaient une adhérence sur tous types de matières. Lorsque j’étais seule, je pouvais faire claquer la boucle pendant des heures. CLAK ! CLAK ! Lorsque j’attendais mon père devant l’école, CLAK ! CLAK ! Lorsque j’étais seule pendant la récréation, CLAK ! CLAK ! Il arrivait parfois, je dirais même souvent, que la boucle déviait de sa trajectoire initiale et coince le bout de mes doigts. C’était l’agréable conséquence de ce jeu qui me semblait si naïf à l’époque. La finalité n’était pas considérée comme une souffrance ou une punition mais comme la récompense d’un hasard maitrisé. La complexité de ce jeu psychologique ne fut pas comprise par mes ainés. Mes bien aimées bretelles me furent confisquées et je connu alors la première frustration de cet honteux plaisir.


Je fixais alors la boucle, je la faisais claquer à plusieurs reprises et le son mêlé à cette sensation, aux résonnances hypnotiques m’emportaient dans des songes lointains.

CLAK ! CLAK ! Le bruit distinct s’éloigne. CLAK ! CLAK ! Mon regard se bloque sur un point imaginaire. CLAK ! CLAK ! Mon esprit s’évade de ce monde si fade et sans saveur.

CLAK ! CLAK ! Le bruit sourd se rapproche ! CLAK ! CLAK! Mon esprit prend place dans l’enveloppe charnelle. CLAK ! CLAK ! Le point imaginaire s’efface et laisse place à une vision plus nette de ce qui m’entoure. A cette sordide et rassurante réalité.

Face à moi, une jolie brune vêtue de noir. Son regard familier est dissimulé derrière un loup de plumes. Ce soir, nous ne nous connaissons pas. Elle agit sous le pseudo de Shakeina. Elle tient dans sa main droite un objet que je connais très bien : une cravache en cuir tressée, avec un embout plus large. Elle l’appelle « Sa cravache de dressage ». Quelle prétentieuse…
Shakeina est très en colère ce soir et elle tient à me le faire savoir. Elle tend son bras menu vers le haut de sa tête et frappe un coup. A en juger par l’état de mon fessier charnu, résistant soit disant à toute épreuve, je dirais que ce soir, elle a eu la main lourde. CLAK !

« Petite chienne désobéissante ! »

CLAK ! Le comité restreint des spectateurs semble apprécier la mise en scène.

« Trainée ! Agenouille-toi ! » CLAK !

Je voudrai lui répondre un millier de choses mais seul un son ridicule se fait entendre :
« mmmhmm ! » Je suis bâillonnée. Bon sang, je voudrais hurler, mais c’est qu’elle fouette fort ! Je n’aurai jamais du évoquer sa légère prise de poids avant la séance. Si on peu plus jouer la carte de la franchise avec les copines, ou allons nous !? Entre nous je ne peux pas vraiment lui reprocher. Elle sait où frapper. Elle me connait. Lorsque certains me percevaient comme déviante, elle voyait déjà en moi une partenaire de jeu idéale.

Il fût un temps ou je n’étais pas une people en vogue. Il fût un temps ou je gagnais ma vie différemment. C’était un temps merveilleux. Je n’étais pas aussi exposée que je le suis à présent, j’étais sollicitée mais de manière bien différente. Quoique. Je formais un duo très prisé avec ma compagne Shakeina. Nous étions plus jeune, plus féroce, moins regardante. Nous aspirions à une vie plus luxueuse et moins luxurieuse. On a fait des choses que j’évoquerai peut être une autre fois mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui je suis d’humeur prude.
On se produisait devant des hommes au quotidien honnête mais aux nuits souillées. Des politiciens courtois, des maires actifs et généreux, des commerçants souriants, des professeurs impliqués. Mais au-delà de ça, des maris aimants, des femmes aux foyers, des pères attentionnés et des grands-pères gâteau. Il était là l’essentiel de mon univers perverti. Comprenez ma réticence à fonder une famille, à aimer mon prochain et toute cette merde mielleuse ! J’ai vu bien trop de choses pour devenir la nouvelle égérie de Disney.

Dans la salle obscure, je ne perçois que des ombres. Les ombres des voyeurs. Les voyeurs de l’ombre. Mon attention est portée vers l’homme au regard insistant. Il murmure quelque chose dans l’interphone, lui-même relié à l’oreillette de Shakeina. Elle écoute la requête en continuant son show. La sulfureuse se plante devant moi et d’un coup, agrippe ma chevelure en tirant violemment ma tête en arrière. Son souffle chaud caresse le lobe de mon oreille:

« Le beau gosse a eu un coup de cœur, il semble vouloir plus d’action. J’vais t’faire ma spéciale et tu vas tellement jouir que les loulous qui nous entourent croiront que tu fais un AVC ! »

Puis elle me libéra de sa poigne si ferme dans un mouvement de rejet.
Croyez-moi, ce soir la, ils en on eut pour leur argent.
Le show touche à sa fin. Les voyeurs de l’ombre quittent la salle de velours pour se rendre à la petite réception privée. Ce soir, ils retrouveront gentiment leurs épouses, concubines, maîtresses, enfants…
Les éclairages s’intensifient, la salle se vide et prend une autre tournure.
Le silence m’apaise. Je me questionne.
« Vais-je faire cela toute ma chienne de vie ? »
J’entends alors, un son de pas s’intensifier, comme si l’on se rapprochait de moi. Je me retourne, c’est l’homme au regard insistant.

CLAK CLAK ! Il applaudit, m’offrant un large sourire fallacieux.

« Bonjour demoiselle, je me présente, M.Nibor. J’aime beaucoup ce que vous faites, vous avez beaucoup de talent. »
Et tout en me tendant sa carte il rajouta :
«Vous avez déjà pensé à faire de la télé ? »
Vous connaissez la suite….

Infidèlement,

Lulubrik


(Et sa muse, Shakeina....)

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