mercredi 14 novembre 2012

We are all prostitutes. Lulubrik

CHAPITRE 1

Comme un préliminaire.

Si je devais écrire mon histoire, je la commencerai à ce moment présent. Au moment précis où j’ai définitivement basculé. Où j’ai volontairement perdu l’équilibre afin de mieux chuter dans un coin ombragé de ma personnalité, ayant connaissance depuis toujours de son existence mais bien trop lâche pour m’y aventurer. Vous vous dites que vous ne basculerez jamais, mais on bascule tous, conscients ou inconscients de notre faiblesse. J’ai basculé.

Je sens encore la transpiration de son corps adipeux, avachi quelques heures auparavant sur ma dépouille souillée.
Sa respiration rauque et ses grognements en rythme avec les mouvements de son bassin m’ont rappelé, pendant l’espace de quelques secondes, un passage de documentaire animalier. Ne croyez pas que je m’intéresse particulièrement à ce genre d’émission, j’avais du égarer la télécommande ce jour là. Je suis moi-même étonnée de référencer cette baise scénarisée à une émission culturelle. La culture ça m’ennuie. C’était un documentaire sur les rhinocéros je crois. En l’espace de quelques coups de reins, je me suis imaginée à la place de cette femelle rhinocéros se faisant attraper par le mâle en rut, subissant son coït unilatéral. Le cycle de la vie… bla bla bla.

Étrange les fantasmes sexuels qui peuvent parfois s’introduire dans votre esprit, n’est ce pas?

Mon mâle a tellement transpiré que l’humidité de son corps suintant a dégouliné dans mon œil. Beurk!

C'est plutôt désagréable et douloureux une goutte de transpiration dans un œil. J’ai dû gémir de douleur sans m’en apercevoir car il a augmenté la cadence, un vrai lapin de Garenne. Il a du penser que j’aimais la façon dont il me labourait l’utérus. J’avais déjà eu un mal de chien à me concentrer à faire ressortir un certain plaisir dans cette acte sexuel, il a fallut que je recommence tout depuis le début. J’ai bien fait d’éteindre la lumière avant qu’il se mette nu, je ne vous raconte pas la difficulté d’œuvrer avec cette image fixée dans ma mémoire. BRRRRRRRR ! Ça me provoque des spasmes !

Je me demande encore pourquoi, de tous les hommes présents dans cette émission, il a fallut qu’ils choisissent le moins ragoûtant. Sans doute à cause de cette lueur d’espoir qu’ils veulent insuffler aux moches. Mais oui, vous savez bien, lorsqu’on essai de nous faire croire que des belles femmes sortent avec des gnomes obèses sans aucun but financier. Depuis quand l’esprit d’un homme nous paye des vêtements et nous offre des repas dans des restaurants luxueux ?
Et je vous entends déjà soupirer un « oooh » offusqué, mais je sais que vous n’en pensez pas moins.

Moi je l‘ai fais. J’ai couché avec un moche qui ne m’attirait pas du tout. Je l’ai fait car on me l’a demandé, je l’ai fait car on m’a offert une somme qu’on ne refuse pas. Pas de nos jours. Je l’ai fait car j’en avais envie. Cela fait quelques jours maintenant que je sens les objectifs des caméras me fixer jours et nuits, mais pas ce soir. Ce soir, étrangement, dans un moment de pure intimité, mon corps appartient à la population, mon vagin est rendu public et exposé comme une œuvre d’art lors d’une journée porte ouverte.

« L’entrée est gratuite, prenez un peu de ma fierté et de ma morale, il n’en reste que très peu, profitez-en ! »

Je n’ai même pas joui. Je ne suis pas vraiment surprise. Le tas de cellulite qui dort comme un phacochère à coté de moi, lui, a joui. Ce genre de gêne, quand cela nous arrive, on peut encore le romancer lors de nos récits face à nos amies. Mais pas là. C’est ce qui me met le plus mal à l’aise. Pas que mon corps ait été vu dans des positions indélicates et peu avantageuses pour les plus fortunés, ceux qui s’offrent l’émission en continu sur le câble. Mais que mon partenaire en plus d’être ventripotent, ait éjaculé une paire de minutes après la première pénétration et qu’il se soit endormi en ronflant. Je crois même qu’il a pété. J’ai la nausée. Je me demande ce que la « prod’» va encore me demander de faire, de simuler et jusqu’ou je serais capable d’aller sans rechigner.

Je sais ce que vous pensez. Je ne suis pas obligée, je peux travailler, je peux gagner ma vie autrement. Vous devez penser que je suis une fille à problèmes, quelque part oui, mais non. Non…..En fait non. J’ai eu une enfance normale. Des parents normaux. Une éducation…Normale. Je suis une belle fille, j’ai un corps sculptural, je n’ai pas besoin de faire trop d’efforts intellectuels pour être sollicitée. Ce que je fais, je l’ai voulu.
Et vous savez quoi ? Si demain je désire me réorienter, devenir une présentatrice sérieuse et respectée, et bien tout le monde oubliera la scène torride du dressing aux tendances pornographiques. Ça se passe comme ça maintenant. On est empathique envers le repentie et intransigeant envers le bon samaritain qui faute.

Je sais que vous me jugez, la, tout de suite, mais êtes vous conscient de la société dans laquelle nous évoluons ? Pardon, dans laquelle nous régressons. Vous ne valez pas mieux que moi. Vous êtes d’ailleurs bien pire que cela. Vous êtes acteur de ma débauche. Je suis le cœur qui active les battements de vie de l’émission, et vous êtes le système sanguin qui génère sa survie. Savez-vous vraiment ce dont vous seriez capable contre une importante somme d’argent?. Peut être pas de coucher avec un inconnu dans une émission de télé-réalité. En êtes-vous certain ? Car bien planqué derrière votre écran, masquant votre propre perversion, fidèle à ce qu’est devenue notre « norme » sociale, vous vous trompez vous-même.

Au cours de nos petits échanges réguliers, je m’engage à démontrer que nous sommes tous des prostituées et que, peu importe ses valeurs, nous avons tous un prix. D’ailleurs, entre-nous, à combien vous estimez-vous ?

Infidèlement,

LULUBRIK

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